Reliures
Et voilà, la semaine est passée très vite et mon stage de reliure est déjà terminé.
Je serais bien restée encore un peu chez Hélène Potin, à travailler dans son atelier.
Mais j'ai beaucoup appris.
Je rapporte trois ouvrages très différents.
Le premier date de 1825 environ : quand je l'ai acheté, ce n'était guère plus qu'un paquet de feuilles assez sales. Je les ai soigneusement lavées, page après page, pour ensuite les relier C'est un des avantages du papier chiffon, il supporte bien ce type de lavage à l'eau claire
Ce livre m'intéresse surtout pour les passages concernant St-Pierre et Miquelon, vous l'aurez tous deviné !
Hélène m'a proposé de réaliser une reliure simple telle qu'on pouvait en trouver au début du XIXe siècle :
Le dos est recouvert de parchemin. On voit les nerfs, c'est à dire les ficelles autour desquelles on réalise la couture du volume. Je dois reconnaître qu'ils ne sont pas tout à fait droits.... la couture se fait sans repères et je n'ai pas trop le sens de la ligne droite ! (malheureux héritage familial...)
Les plats sont recouverts de papier dominoté, imprimé à partir de plaques gravées puis rehaussé au pochoir. C'était à l'époque le papier colorié le moins cher... ce n'est plus vrai aujourd'hui, où il est réalisé seulement par quelques artisans !
Cette reliure n'a pas de tranchefile et des gardes couleur simplement en papier blanc.
Le deuxième ouvrage est un recueil de poèmes de Théophile Gautier.
J'ai craqué pour les illustrations de Henri Caruchet dans cette édition de 1895, dont voici deux exemples :
Avec ce volume, j'ai appris à incruster des éléments dans une couverture en cuir :
Le volume est recouvert de cuir bleu marine. Le premier plat est assez épais : 3,5 mm de carton plus 0,5 mm de cuir. On ponce les bords pour les galber avant de poser le cuir. On garde ainsi suffisamment d'épaisseur au centre pour incruster de petites pièces, tout en évitant de donner un aspect trop massif à la reliure. Toute la difficulté est de creuser sans abimer le cuir, en gardant la lame de scalpel bien verticale pour que les bords des entailles restent droits (et ne partent pas en entonnoir)
Voici les pièces de plus près :
La petite pièce émaillée mesure 2,5 cm de diamètre pour 1,5 mm d'épaisseur et le camée 3 cm de haut et 3 mm d'épaiseur
Vous avez peut-être deviné maintenant le titre du recueil de poèmes ?
Il s'agit de Emaux et camées.
Ce volume a bénéficé d'une tranchefile en fil de soie :
C'est ma première tranchefile à trois couleurs.
Et j'ai choisi un papier imprimé pour les gardes, avec un motif de fleurs d'inspiration Art nouveau :
Le troisième livre est un ouvrage récent que j'ai démonté pour le relier (il faut être un peu folle, non ?)
Ce roman d'Anne Delaflotte Mehdevi, paru en 2008, est le seul que je connaisse dont l'héroine est relieur.
Les Editions Gaïa ont choisi d'imprimer leurs romans sur du papier rose (soit disant pour un meilleur confort de lecture)
Voici le début de l'histoire :
Mathilde a abandonné une carrière de diplomate à Paris pour s'installer comme relieuse à Montlaudun, un petit village de Dordogne. Un matin, un visiteur franchit le seuil de l'atelier, un homme d'une beauté renversante et enveloppé d'un parfum de fougère et de terre fraîche. Celui-ci lui remet un livre ancien pour restauration, et disparaît, avant de mourir dans un accident. Mathilde va tout mettre en oeuvre pour retrouver sa famille et percer le mystère de ce singulier ouvrage...
L'auteur, relieur elle-même, donne une description très précise de ce mystérieux ouvrage que Mathilde doit restaurer.
J'ai donc essayé de recréer cette reliure autour du roman.
"Les couvertures de ce grand livre-là étaient recouvertes de maroquin couleur d'un caramel blond. Les plats étaient au recto comme au verso incrustés en leur centre d'un arbre, de la forme qu'aurait l'ombre d'un arbre feuillu. Cette forme était de maroquin couleur chocolat."
Pour réaliser ce décor, j'ai appris les rudiments de la mosaïque en cuir.
Pour cette première fois, j'ai utilisé des cuirs moins onéreux que le maroquin : le fond est en chagrin et l'arbre en basane.
Mais j'ai souffert pour découper les arrondis au scalpel et plus encore pour élaguer un cuir paré à seulement 3/10e de millimètre !
La réalisation est loin d'être parfaite, mais j'ai aimé le faire.
L'auteur a décrit aussi le papier des gardes couleur. J'ai donc essayé de le reconstituer :
"J'admirais [...] les pages de garde sur fond bleu tendre, très légèrement marbré, irisé de gris et d'ivoire. S'y surimposaient des motifs clairsemés à trois couleurs en forme de lys. Au coeur du motif, la même base de bleu que le fond, puis une onde d'ocre, puis une onde de brique."
J'ai utilisé un papier marbré main bleu et gris sur lequel j'ai rajouté au pochoir des fleurs de lys, avec de l'encre typographique.
Il n'est pas fait mention de tranchefile, mais j'en ai rajouté une, avec des couleurs rappelant celles des cuirs :
Ce petit blog va maintenant se mettre en pause estivale
. La rédactrice, son mari et leur chat vont prendre des vacances bien méritées !
Merci à tous pour vos passages et vos gentils commentaires.
Je vous retrouverai avec plaisir au moment de la rentrée des classes.
Bonnes vacances, @ bientôt !